Ça fait un petit moment que je me demande pourquoi je focalise autant sur l’hygiène. Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais je dois me réfréner pour ne pas essuyer, frotter ou grattouiller une petite tâche ou une grosse croûte. Pas terrible d’entendre des réflexions à longueur de temps, parce que c’est fréquent, hein, de se tacher ou de s’en mettre partout !!!
Défaut d’hygiène : un manque de temps, vraiment ?
Combien de fois ai-je constaté l’état désastreux des ongles des élèves…tout en pensant : « Bonjour l’hygiène ! Mais que font les parents ? ». Puis un jour j’ai compris que le manque de temps et l’absence de coopération des enfants y étaient pour quelque chose. Le manque de temps, ça tout le monde le comprend. Vous avez vu les ongles crasseux, vous alliez l’envoyer se laver les mains et brosser ses ongles avant de les couper manu militari, mais, mais tout à coup le petit a vomi sur le tapis et les pâtes ont débordé de la casserole…A 22h, vous y repensez en vous disant « zut, ce sera pour demain matin au réveil. » Au réveil, vous n’avez pas que ça à faire. Et ainsi de suite… Plus ils sont grands et plus ils échappent au contrôle d’hygiène. Ils se douchent tout seul, se lavent les cheveux tout seul etc. Et il faut avouer que c’est bien pratique, car on n’a pas le temps !
Partant de ce constat, une seule solution : petit boy et mini girl doivent faire BIEN tout seul. En sont-ils capables ? Je ne parle pas de savoir faire quelque chose, mais plutôt d’intégrer pleinement cette responsabilité de soi qu’est l’hygiène.
Parents et enfants : deux perceptions de l’hygiène
Quand nous adultes, nous pensons hygiène nous pensons lutte contre les microbes et esthétique. Sur ces deux plans, les enfants n’ont pas la même vision que nous.
Concernant les microbes, les enfants sont très vite habitués à « se méfier » des objets qualifiés de « sales » comme les chaussures, le balai, l’éponge, le trottoir… Dès que bébé rampe, on range les objets dangereux et sales qu’il pourrait vouloir mettre à la bouche, tout ignorant qu’il est de ces petites bêtes microscopiques.
On remarque bien que l’envie de découvrir le monde n’est pas sélective et se porte sur tout, de la plume d’oiseau en passant par la crotte de chien ou le papier de pizza tout gras collé au fond du caniveau. Ce n’est pas l’expérience du toucher de ces objets qui l’informe qu’ils doivent être délaissés pour cause de salubrité, mais c’est ce qu’on en dit, notre éducation qui l’informe que pour sa santé et sa sécurité, certains objets ne doivent pas être manipulés.
On sent bien d’ailleurs que c’est à regret qu’ils y renoncent et il faut souvent de nombreuses tentatives de désobéissance pour intégrer progressivement ce type d’interdit (l’enfant sent bien que ce n’est pas négociable, il ne sera jamais autorisé à grattouiller un caca de pigeon sur le banc du parc…). Il ne comprend pas vraiment pourquoi, mais il comprend que c’est irrévocable.
Assez rapidement, l’enfant qui a rencontré plusieurs petites maladies (les habituelles rhino-pharyngites, gastro-entérites et petits boutons autour de la bouche) est sensible aux arguments concernant sa santé. Il sait qu’en se lavant les mains, il chasse les microbes et que c’est une bonne action pour lui. Encore faut-il le lui rappeler avant de passer à table ou en rentrant de l’école.
Une perception du corps qui évolue avec l’âge
Le terrain de l’esthétique est beaucoup plus discutable du point de vue d’un enfant. Ceci tient sans doute au fait qu’il a une perception de son corps différente de la nôtre.
Typiquement, vous lui dites « Essuie-toi, t’as plein de chocolat autour de bouche. » Et elle pense « qu’est-ce que ça peut faire ? ». Ce n’est pas dangereux, ce n’est pas vraiment sale puisque justement elle vient de manger ce chocolat. Cela veut donc dire que ce n’est pas « joli ». Mais votre enfant ne se visualise pas barbouillé de chocolat, il a autre chose à faire ou à penser. Une fois le goûter avalé, il n’a qu’une hâte c’est d’aller jouer et ce n’est pas un peu de poudre de cacao qui l’en empêcherait, donc il s’en fiche.
Si vous avez une miette de biscuit accroché à la barbe ou de la confiture coincée dans les cheveux, vous pensez immédiatement « m… de quoi j’ai l’air ? » Et vous vous imaginez totalement ridicule. Mais votre enfant non ! Il aime le chocolat, il en a plein les doigts, il les nettoie en les suçant. Normal ! Tous les petits font ça…et les grands aussi. Il y a même un certain plaisir à patouiller directement, à utiliser ses doigts plutôt qu’une cuillère, comme une sensation de liberté retrouvée chez les grands qui réclament de lécher le reste de pâte à gâteau.
Lorsque l’enfant est petit, son miroir c’est vous et c’est donc vous qui allez rectifier, ajuster ce que vous percevez comme de petits défauts. Vous aurez peut-être aussi le sentiment que les gens jugeront votre propre hygiène en évaluant celle de vos rejetons. Tenez-vous tant que ça à plaire à des personnes qui jugent selon les apparences ?
Un enfant n’est pas par nature propre ou sale, il applique des règles de base d’hygiène et le reste du temps il est occupé à autre chose et certainement pas préoccupé par son apparence. En tout cas pas encore !
A partir de 8/10 ans, son attitude peut changer, soit il va davantage prêter attention à lui-même pour lui-même, soit il va s’opposer à cette tendance pré-pubertaire et faire mine de s’y désintéresser. Il est possible que le fait de grandir génère une certaine appréhension, à laquelle l’indifférence peut être une réponse. Votre enfant adopte une attitude désinvolte ou au contraire maniaque et bascule de l’une à l’autre au gré du contexte. Patience ! Tout finira par rentrer dans l’ordre…après quelques années de tâtonnements !
La perception de son propre corps est conditionnée par plusieurs facteurs
- l’âge : dès ses premiers mois, l’enfant explore les différentes parties de son corps et se familiarise avec elles : la bouche, le nez, les doigts, les oreilles, les cheveux, les pieds. La perception du corps est morcelée dans un premier temps et s’unifie progressivement grâce à l’acquisition de nouvelles facultés motrices : déplacements latéraux puis ventraux, station debout, assise, quatre-pattes, acquisition de la marche etc. En maternelle, le parcours de motricité est l’occasion de découvrir de nouvelles sensations et nouvelles possibilités (glisser, rouler, sauter, courir etc.). Vers l’âge de 6/7 ans, l’enfant dispose d’une expérience variée de ses capacités physiques et il peut désormais mieux estimer ce dont il est capable et adapter ses mouvements et déplacements. Vers 9/11 ans, il prend du plaisir à se lancer des défis et recherche la performance. Au moment où il acquiert confiance en lui, c’est aussi le moment des changements pubertaires qui peuvent venir contrarier ses projets.
- le regard des parents : évidemment le regard que l’on porte sur ses enfants a une incidence sur leur propre perception. Le principe de base devrait être un mélange de respect et de valorisation.
- le regard des autres : on ne maîtrise pas ce paramètre et nous y sommes tous assujettis… Si les membres de la famille ont fait preuve de suffisamment de bienveillance les uns envers les autres, alors on espère que les remarques désobligeantes, voire les propos vexatoires rencontrés plutôt chez les ados
- seront digérés sans trop de dégâts pour l’ego…
Le vêtement : ami ou ennemi de l’enfant ?
Quand on parle d’hygiène corporelle, on entend le corps nu, mais évidemment la propreté des vêtements compte énormément.
Si nous ne pouvons pas contrôler durablement, et c’est heureux !, la propreté des enfants pour des raisons évidentes de respect et de pudeur, nous pouvons en revanche assurer le service de laverie automatique. Je sais que ça paraît fou de le préciser, mais j’ai vu à plusieurs reprises dans de nombreuses classes des élèves traînant toute l’année le même gilet ou manteau crasseux. Et n’allez pas penser que c’est une question d’argent, le niveau social des parents n’avait absolument rien à voir là dedans.
Selon moi, il n’y a que deux explications possibles : soit les parents s’en fichent royalement et ils sont souvent eux-mêmes extrêmement bien habillés et soignés, soit l’enfant refuse de porter autre chose que son survêtement vert et sa doudoune orange, auquel cas une petite discussion s’impose!
Les vêtements doudous…
Peut-être faut-il songer à acheter en plusieurs exemplaires les vêtements, comme les doudous… J’ai malheureusement remarqué que les mêmes avaient aussi les ongles longs et crasseux et le même coup de stylo sur le front toute la semaine (c’est difficile à faire partir, mais quand même au bout d’une semaine!). Vous vous dites, après tout ça dérange qui ? Bien sur on se fiche pas mal que les enfants portent tel ou tel vêtement, en revanche, dans une salle de classe surchauffée, à 28 élèves, on a parfois envie d’ouvrir la fenêtre ou de garder le nez bouché tout l’hiver !
L’hygiène c’est aussi le respect vis-à-vis des autres 😉
Et vous, quels expériences avez-vous à partager ? Etes-vous du genre à inspecter votre loulou sous toutes les coutures ou au contraire à le laisser dans son jus ? Et vous enseignants, avez-vous déjà eu dans vos classes des enfants porteurs de vêtements doudous ?