Apprendre à écrire ne va pas de soi pour tous les enfants. Abordé dès la maternelle, l’écriture met en jeu trois composantes qui mêlent le sens, le code alphabétique et l’habilité graphique. Si l’on parle souvent des difficultés rencontrées par les élèves pour encoder les sons et passer de l’oral à l’écrit, on s’attarde beaucoup moins sur l’aspect moteur en élémentaire. Pourtant, tout en sachant écrire, certains élèves sont au supplice…
Premières lettres en maternelle
Tout d’abord, dès la Moyenne section, les élèves sont amenés à tracer leurs premières lettres en capitales d’imprimerie. Ainsi, ils expérimentent l’écriture par la graphie de leur prénom. En effet, les enfants s’investissent dans diverses activités, comme fabriquer des étiquettes, en relief, en collage, en coloriage. De plus, ils utilisent différents outils et supports pour aborder des mots rencontrés dans une histoire, lors d’une séance de motricité, dans le préau, dans la cour ou pendant une activité en classe.
Parallèlement, toutes les lettres de l’alphabet sont présentées, toujours en majuscules puis en minuscules en GS, où on introduit un cahier d’écriture en fin d’année.
Ainsi, les prémices de l’écriture sont accompagnés d’activités graphiques variées visant à délier le geste pour permettre souplesse, enchaînement et coordination.
C’est pourquoi vous voyez votre enfant revenir avec un cahier rempli de lignes courbes, obliques, verticales, horizontales puis des boucles, attendues sans reprise (c’est-à-dire sans lever le crayon).
De fait, on considère que le geste graphique doit précéder l’écriture des mots.
Du geste graphique à l’écriture
En fait, ce qu’on appelle le geste graphique est la capacité à conduire le crayon pour accomplir d’un seul mouvement un élément graphique (un trait, un rond, une boucle) qui petit à petit deviendra une lettre à la forme imposée.
Le Ministère de l’Education Nationale a produit un document très complet sur l’apprentissage de l’écriture en maternelle et consacre quelques points à la dextérité graphique. Vous y trouverez entre autres des conseils sur la tenue corporelle et celle de l’outil.
Par ailleurs, toutes les lettres ne présentent pas les mêmes difficultés. Les lettres avec des jambages sont plus ardues à tracer car nécessitent de contrarier l’horizontalité de la ligne par des mouvements ascendants (b, d, h, k, l,t) ou descendants (g, j, p, q, y, z).
Ainsi, la lettre f représente donc une double difficulté, tout comme la barre du t et le point sur le i peuvent ralentir l’effort d’écriture.
Bien sûr, le travail de graphisme en maternelle, qui inclut le dessin, la peinture et tous les travaux avec divers supports et outils, est absolument essentiel. Mais l’apprentissage de l’écriture en CP est décisif.
Il ne s’agit pas d’imiter l’image d’une lettre, mais de tracer cette lettre. Pour chacune d’entre elles, il existe une façon de faire que l’enseignant montre en reproduisant le geste en grand. Il affiche le modèle avec les flèches pour guider et demande aux élèves de s’entrainer au tracé dans un cahier dédié à l’écriture des lettres. Par exemple, le cahier d’écriture Graphilettre chez Magnard pour les CP/CE1 est de ce point de vue un excellent outil. De plus, il prévoit une progression sur plusieurs cycles, de la GS au CM2.
Comment repérer un élève en difficulté d’écriture ?
Deux situations sont possibles :
- soit l’écriture de l’élève est inadaptée aux lignes du cahier : écriture mal calibrée, caractères de taille non conformes (trop grand, trop petit…), écrit en dehors des lignes, interlignes non respectés, lettres manquantes, mots manquants…
- soit l’écriture est normale en apparence, mais le temps pris pour écrire trop long et l’élève ne dépasse pas le stade de copie de la consigne du premier exercice, tandis que le reste de la classe a déjà changé d’activité.
Quel que soit le cas, plus on intervient tard, plus l’enfant développe des stratégies pour imiter l’écriture, sans maîtriser le geste graphique. Le temps et l’énergie qu’il passe alors à écrire peuvent l’empêcher de suivre correctement le déroulement du travail en classe. L’écriture devient pour lui une épreuve. Plus il avance dans sa scolarité, moins il a de chance d’être dépisté.
C’est au CP qu’il faut intervenir. Les enseignants ont parfois tendance à délaisser l’apprentissage de l’écriture à proprement parler, considérant ce dernier comme accessoire par rapport à l’apprentissage du lire et compter. Il est commun de penser que l’écriture s’améliore avec l’âge, ce qui est vrai. Mais ici on ne parle pas de qualité esthétique mais de dysfonctionnement dans le tracé des lettres. Celles-ci peuvent être d’apparence « jolies » tout en n’étant pas correctement tracées. Par exemple, un o doit être tracé d’un seule geste et n’est pas un rond agrémenté d’une petite boucle qu’on ajoute après.
Causes des difficultés rencontrées : la maturité en question
Parfois, certains élèves n’ayant pas encore atteint la maturité nécessaire à l’enchaînement et à la coordination visuo-spatiale, peuvent se trouver contrariés, bloqués une fois en CP. Si l’enseignant ne leur octroie pas du temps et des séances supplémentaires, les difficultés persistent.
Par ailleurs, les enfants nés au cours du dernier trimestre de l’année et ceux ayant sauté une classe présentent plus souvent des difficultés à se conformer aux attentes en matière d’écriture. Je ne parle pas ici d’enfants en situation de handicap moteur, mais d’enfants dont le développement moteur n’a pas encore atteint un stade suffisant pour écrire avec fluidité et rapidité.
Alors qu’un enfant a toutes les capacités à accéder aux connaissances et savoirs du CP, il pourra être entravé par sa lenteur d’exécution.
Parfois aussi l’enfant assimile très bien les connaissances et réussit ses évaluations mais souffre de nervosité, de stress, dus aux efforts qu’il doit produire pour écrire et tenter de rester dans le rythme de la classe.
Comment repérer ces difficultés d’écriture et que faire ?
Si vous remarquez au moment des devoirs que votre enfant rechigne à écrire, qu’il est lent, qu’il ne trace pas les lettres en un seul geste, qu’il n’accroche pas les lettres entre elles. Mais aussi, si vous constatez qu’il se fatigue vite, qu’il se plaint de douleur, de crampes dans la main, l’épaule, le dos. Ou si vous trouvez qu’il ne termine jamais ses exercices. Par ailleurs, si vous avez l’impression qu’il a du mal à rattraper une balle, qu’il manque d’équilibre, qu’il ne parvient pas à se brosser les dents etc. Ces signes doivent vous alerter.
Une seule solution : faire un bilan auprès d’un·e psychomotricien·ne. Notez qu’il faut passer par un·e pédiatre ou un médecin traitant pour obtenir une ordonnance. Seul un·e spécialiste pourra évaluer l’opportunité d’une rééducation.
Dans la plupart des cas, il ne s’agit que d’un trouble transitoire ne nécessitant que quelques séances et conseils. Ainsi, la psychomotricienne pourra vous indiquer un matériel spécifique, un guide-doigt par exemple pour faciliter la préhension du stylo.
Par ailleurs, il est impératif d’en informer l’enseignant. Ceux-ci adapteront leur enseignement aux besoins de l’élève et reconnaitront une difficulté « technique » et non un manque de volonté de la part de l’élève. Malheureusement, on perçoit ces difficultés encore trop souvent comme de la paresse…
Si l’enfant montre du découragement, c’est que les enseignants et les parents lui reprochent sa lenteur et son manque de coopération. Alors qu’il ne peut pas fournir un effort qui n’est pas (encore) à sa portée…
Lorsqu’il aura retrouvé confiance en lui et que le regard des adultes aura changé, ses progrès seront d’autant plus rapides.
A titre d’exemple sur le tracé des majuscules, cette vidéo pour bien comprendre le geste d’écriture :
Retrouvez également outils et pistes de réflexion pour favoriser la lecture des enfants dyslexiques.