Cela fait plusieurs mois que je n’ai pas publié sur mon blog. Mais cela fait un an que je prête ma plume au blog de Weeprep, un outil pédagogique qui aide les ados à préparer leur projet professionnel. La plupart des thématiques abordées auraient pu l’être dans cet espace aussi. Cependant, en tant qu’enseignante de primaire, il y a des tas de sujets que j’aurais voulu abordé ici et que j’ai mis de côté pour plus tard. Pour l’heure, l’actualité me presse de vous parler des plus jeunes astreints à domicile. Et des difficultés rencontrées par les parents.
J’aurais beaucoup aimé tenir un journal de confinement pour garder trace de ce qui se passe actuellement. Seulement, ma formation d’historienne me retient dans cette tentation (largement partagée ;-)). Pour autant, après quatre semaines de vie en vase clos, un petit bilan s’impose. Je vous le dresse en quatre points et je serai ravie d’avoir vos retours. Il va sans dire que chaque situation est singulière, qu’en fonction du nombre d’enfants, du lieu d’habitation, des équipements disponibles, des obligations professionnelles, les variations sont grandes. Mes constats présents n’ont pas vocation à l’universalité, mais sont une tentative de réflexion.
Parents : comment expliquer et justifier le confinement ?
C’est tout bête, mais comment avez-vous expliqué à vos enfants que vous alliez devoir rester enfermés à la maison ? Que vous ou un membre de votre famille allez quand même devoir sortir travailler malgré le danger ? Quels mots avez-vous retenu pour faire simple et efficace ? Ne pas heurter, mais dire la vérité ont été mes deux prérogatives. En fait, cela faisait déjà quelques semaine que la menace du virus planait. Avant même le confinement, nous avions pris des précautions d’hygiène supplémentaire, comme se désinfecter les mains avec du gel hydroalcoolique en sortant de l’école. Précaution illusoire bien sûr, mais qui a eu le mérite d’installer de premiers jalons.
Puis le Président a annoncé la fermeture des écoles en direct à la télévision, rendant officielles les craintes déjà évoquées en famille. Le fait que cette mesure soit mise en scène facilite la compréhension d’une situation urgente et exceptionnelle. Une fois décrétée comme mesure de sauvegarde, les enfants intègrent l’information et se reposent sur leurs parents pour la mise en pratique. La maladie est une expérience que tout le monde connaît, à des degrés divers, mais qui est communément admise comme une infortune. Les petits craignent la maladie pour eux, mais surtout pour leurs proches. L’idée qu’un de leurs parents puissent contractés le COVID-19 induit une menace de mort. C’est pourquoi les plus jeunes se sont pliés sans trop de difficulté à l’interdiction de sortir. Finalement, ce qui compte le plus pour eux est que leur famille soit en bonne santé.
Je ne pourrais pas vous parler des cas où les parents sont souffrants, absents de leur domicile, car hospitalisés. J’imagine qu’en divers endroits des drames se nouent, des histoires terrifiantes, de même que des confinements désastreux où la violence l’emporte sur la terreur du virus. Des enseignants se sont alarmés de la situation de certains de leurs élèves, tentant même d’intervenir auprès des services sociaux, des mairies, des associations de quartier. Les situations déjà dramatiques avant le confinement n’ont fait que se dégrader au fil des semaines.
Les rythmes à la maison (lever, coucher, repas, écrans, jeux, récrés)
La question du rythme quotidien se pose pour toutes les familles. Comment maintenir les horaires habituels ? Et faut-il d’ailleurs s’y tenir ? Personnellement, après avoir opté pour un réveil décalé, justifié par l’absence de trajet, progressivement notre maisonnée a modifié ses heures de lever et de coucher. Ajoutez à cela, le passage à l’heure d’été et vous obtenez un décalage de deux heure le matin et une heure le soir… Ce qui complique d’autant les journées qui s’en trouvent raccourcies. Quand on enseigne, on apprécie en général les matinées et les fins d’après-midi, en fonction des matières. Clairement, plus le réveil est tardif, moins il devient possible de se mettre efficacement au travail. Avec plusieurs enfants à encadrer en enseignement à distance, le challenge monte en intensité.
À cela s’ajoute le télétravail, avec les mêmes outils numériques pour tous. Deux cas de figures sont possibles :
- privilégier le travail des adultes qui permet d’assurer la subsistance directe de toute la famille,
- partager les temps d’occupation du matériel, avec des plages horaires précises : rapidement intenable avec toutes les exceptions et urgences qui s’accumulent,
- travail de jour pour les enfants et de nuit pour les parents avec les effets qu’on imagine en terme de santé (sommeil, stress, alimentation…).
Pour se simplifier la vie et ne pas s’enfermer dans des cadres rigides qui cristallisent les tensions, mieux vaut faire preuve de souplesse. Et avancer au jour le jour avec un cadre souple. Conserver l’impératif de trois repas par jour, moduler en fonction des horaires. Il est déjà 14h ? C’est le moment de proposer un pique-nique improvisé. Tout le monde a déjà faim à 18h30 ? On coupe les courgettes et les tomates et c’est parti pour une ratatouille. De mon côté, j’ai toujours en réserve des chips et du pain de mie et quelques produits surgelés. Sinon, le reste du temps, embaucher petits et grands en cuisine occupe utilement et on apprécie d’autant mieux le résultat dans nos assiettes.
Quid du temps d’écran ? À moins que vous n’ayez totalement interdit les écrans chez vous, il y a de fortes chances pour que le temps d’écran augmente. D’une part, vous aurez besoin de souffler à certains moments, d’autre part il existe des programmes de très bonne qualité (Lumni). De plus, ça remonte le moral d’organiser des séances de cinéma à la maison (popcorn, glaces, fruits secs..). Même si les films mobilisent un long temps, ils ont l’avantage de présenter une trame narrative solide, un univers graphique, des thématiques porteuses. Je pense aux films de Miyazaki (et il y en a pur tous les âges, de Totoro à Princesse Mononoke), à certains Pixar (Toy story, Là-haut, Ratatouille, Wall-e).
Mais alors, à quel(s) moment(s) faire travailler ses enfants ?
Comment les parents gèrent-ils le travail scolaire ?
Il n’y a pas de règle, mais 2h de travail quotidien est une optique suffisante pour l’élémentaire. Parfois même il ne sera possible que de se concentrer qu’une heure par jour. En cas de lassitude, il faut veiller à varier les supports et prévoir des temps de pause d’exercice ludique et physique. Ces pauses sont essentielles à la concentration. Les programmes de crossfitness et de yoga se pratiquent très bien en appartement. Pour ceux disposant d’un accès en extérieur, les jeux de balle et les activités de jardinage favorisent la concentration. De même que les collations rythment les temps de travail.
En maternelle, les enseignants ont proposé des activités simples impliquant les enfants dans les tâches ménagères. Elles leur permettent de développer leur psycho-motricité fine, de prendre conscience de leur corps ou encore de développer leur vocabulaire et leur expression orale.
En élémentaire, chaque enseignant a mis en place les modalités du travail à distance. Finalement les ENT (environnement numérique de travail) concernent davantage le secondaire. En primaire, les enseignants utilisent les mails, les padlets, les applications comme Klassroom qui assurent le lien école/familles. Pour aider vos enfants à apprendre, vous pouvez consulter mon précédent article sur ce sujet.
Mais la maison ne remplace pas l’école en terme de socialisation. Les enfants ont besoin de leurs ami-e-s pour interagir et pour apprendre. Les erreurs et les réussites des uns profitent aux autres. Lorsqu’ils sont en cours, les élèves profitent des explicitations de consignes et des corrections en direct.
Qu’est-ce qui manque le plus à vos enfants ?
En premier lieu, ce qui manque le plus aux enfants en période de confinement, ce sont les amis ! Les temps de récréation, de cantine, de jeux au parc ou invités chez les uns et les autres. Toute cette vie sociale qui permet de se confronter, de s’affirmer, de mieux de connaître par le jeu manque cruellement. Même si les parents se prêtent aux jeux d’imagination, que nous incarnons parfois un Pyjamask ou une Carmen San Diego, nous n’y mettrons jamais autant d’énergie et de spontanéité que les enfants. D’ailleurs, avez-vous remarqué comment nous évitons les conflits, comment nous aplanissons le moindre problème pour éviter la frustration ? Il ne nous viendrait pas à l’idée de gagner ou de faire mieux que notre propre enfant.
Dans les « vrais » jeux entre enfants, les frictions sont nombreuses, les oppositions la règle. Cela ne signifie pas qu’ils ne s’entendent pas. En revanche, ces mini-conflits favorisent le développement des compétences psycho-sociales : communication, auto-régulation, gestion du stress, entraide, coopération. L’égalité de fait entre pairs facilite l’engagement des jeunes, alors qu’en présence des parents des inhibitions empêchent la prise de décision et la mise en action.
En second lieu, ce sont les espaces verts, parcs avec jeux d’extérieur dont se languissent les enfants. Parce qu’ils ont besoin de mouvement bien sûr, mais aussi parce qu’ils y rencontrent d’autres enfants.
Enfin, tous les lieux où les enfants avaient leurs habitudes : boutiques, supermarchés, bibliothèque, piscine, la maison des grands-parents…
Et chez vous, comment ça se passe ? Comment vos enfants vivent-ils le confinement ? Parviennent-ils a travailler, à dormir correctement ? Qu’est-ce qui leur manque le plus ?