Deux semaines après la rentrée, professeurs et élèves tentent de prendre leurs marques et s’habituer aux nouvelles exigences sanitaires. Petit bilan après reprise en contexte de pandémie de COVID-19.
La rentrée côté parents
Anxiété accrue pour les parents d’élèves de maternelle
Comme pour toutes les rentrées, les parents se sont mobilisés pour que leurs enfants abordent le plus sereinement possible la reprise totale des cours. Certains ont plus que d’autres eu la boule au ventre : les parents d’enfants entrant en PS, en CP ou en 6ème et 2de. Ces caps symboliques, étapes vers la maturité, ont pu inquiété encore davantage parents et/ou enfants.
Plus particulièrement la rentrée en maternelle (lien vers Rentrée en maternelle : les conseils du pro sur le blog) a soulevé de nombreuses questions et peurs. Dans beaucoup d’écoles maternelles, il n’a pas été possible de maintenir l’accueil dans les classes. Ce qui a rendu l’instant de la séparation particulièrement difficile, pour les PS comme les MS. Ces derniers n’ont en effet pas pu tirer tous les bénéfices d’une année entière de PS. De plus, la continuité pédagogique à domicile n’a pas pu développer tous les aspects de la socialisation, du développement du langage, des interactions au sein d’un groupe d’âge.
C’est pourquoi des écoles ont prévu de maintenir pendant quelques semaines certains de leurs anciens PS en MS, pour une reprise en douceur. Mais cette initiative est loin d’être la norme et concerne les écoles à petit effectif et locaux suffisamment spacieux.
Pour tous les autres enfants, pour lesquels la rentrée est difficile et les pleurs encore fréquents, voici quelques conseils :
- arriver à l’heure pour éviter le stress,
- en parler à la directrice pour qu’elle prenne en charge l’enfant à la porte,
- essayer de repérer les copains et copines pour rentrer ensemble dans l’école.
- instaurer un rituel de séparation (une chanson, une comptine, un, deux, trois, quatre… bisous à vous de voir !)
- ne pas s’attarder pour éviter d’être tenté·e de revenir vers l’enfant qui pleure. (Votre enfant voit que c’est difficile pour vous aussi. Plus vite il intègre son groupe classe, plus vite il passera à autre chose).
D’une manière générale, pour tous les niveaux d’enseignement, les professeurs espèrent que tout rentrera dans l’ordre d’ici la Toussaint. Comme c’est la cas habituellement. Inutile d’anticiper des problèmes qui n’existeront sans doute plus d’ici quelques jours ou semaines.
La crise sanitaire multiplie les inquiétudes de rentrée
En fait, en plus des inquiétudes classiques de rentrée de classe (voir mon article Accompagner la rentrée scolaire pour glaner des conseils), les parents se sont posés des questions d’ordre sanitaire :
- les distances pourront-elles être respectées ?
- le port du masque sera-t-il systématique sur le temps scolaire et péri-scolaire ?
- quelles sont les mesures prévues pour la cantine, le sport, la musique (chorale) ?
- comment l’école compte aménager les entrées et sorties d’école pour limiter les attroupements ?
Finalement, autant de questions dont la réponse se trouvent dans le nouveau protocole sanitaire de rentrée paru fin août. En voici les principaux points :
- gestes barrière,
- lavage des mains,
- ventilation des classes,
- port du masque obligatoire à partir de 11 ans (collèges et lycées) et pour tous les adultes, même pour les enseignants de maternelle.
Ce protocole propose des consignes simples et réclame d’être mis en oeuvre par chaque établissement. En fonction de la disposition des locaux, de leur superficie, les mesures de distanciation diffèrent. Celles-ci doivent être mises en place dans la mesure du possible. Si tel n’est pas le cas, la priorité reste la scolarisation de tous les élèves, sauf avis contraire des services sanitaires. À l’heure actuelle, la priorité absolue demeure la scolarisation de tous les élèves.
La rentrée côté profs
L’école à la maison ne pallie pas l’enseignement en présentiel
En effet, le confinement a montré ses faiblesses en matière de continuité pédagogique. De nombreux élèves, par manque d’équipement et/ou de motivation n’ont jamais participé aux cours à distance. Tout l’enjeu stratégique de cette rentrée consiste donc à récupérer tous les élèves. Les enseignants seront plus que jamais vigilants pour mettre en place des solutions maximisant la réussite du plus grand nombre. Ils ont désormais l’expérience du confinement et pourront adapter leurs contenus, méthodes, suivis en cas de reprise de l’enseignement à distance. Les inspections ont déjà demandé aux professeurs d’anticiper ce genre de scénario.
Cependant, de l’aveu de tous, élèves, profs, parents, rien ne remplacera l’enseignement en classe. Les raisons en sont nombreuses :
- accompagnement et différenciation des contenus d’enseignement en fonction des élèves et du groupe classe, difficiles à ajuster à distance,
- perte du contact humain et de l’encouragement individuel. Pour les plus jeunes, l’aspect affectif est souvent primordial pour favoriser les apprentissages,
- variété des supports, approches et contenus pédagogiques. Difficile d’enseigner le chant choral à distance ou encore la technologie ou les SVT !,
- socialisation des jeunes (contacts et interactions humaines à travers l’amitié, la coopération, l’entraide…) avec ou sans projet annuel (de nombreux et réjouissants spectacles ont dû être annulés en dernière période),
- rythme de travail. Il est beaucoup plus difficile de se concentrer chez soi, au milieu de ses jouets, ses affaires, ses parents, ses frères et soeurs). La perte de concentration et d’attention est conséquente.
Pour toutes ces raisons, les enseignants préfèrent travailler avec leurs élèves en classe. Dans ce lieu dédié aux apprentissages, où un enfant s’affranchit du regard de ses parents pour oser, s’engager et enrichir sa palette de connaissances.
Enseigner malgré le port du masque obligatoire
Condition absolue de reprise des cours pour tous les élèves, le port du masque pose malgré tout problème. Non pas que les enseignants en nieraient le bien fondé. Mais tout simplement parce que parler avec un masque toute la journée est insupportable ! Avant la reprise, les enseignants n’ont marqué aucune opposition au port du masque en classe, heureux de pouvoir retrouver une classe complète. Cependant, après deux semaines de travail avec ce dispositif qui leur barre la voix, les enseignants s’inquiètent de la durée de cette obligation.
Récemment, la RTBF titrait « Pour les enseignants, le port du masque en permanence pourrait être dangereux« . De même sur les réseaux sociaux, des enseignants ont dénoncé cette entrave à la pratique d’enseignement et au confort de leurs élèves. Avant la reprise, de nombreux articles imaginaient, à la place des profs, comment innover dans ses pratiques, comment surmonter les défaillances de la voix par des regards appuyés, d’autres codes de communication. Aujourd’hui, ils se font plus discrets… On se trouve vraiment en face d’une pénibilité au travail. Selon le laryngologue belge G. Desuter interrogé par la RTBF, « l’effort est intense, et met à mal – en temps normal déjà – la physiologie vocale de l’enseignant (…). Outre une fatigue professionnelle d’installation quasi immédiate, il sera à haut risque de lésions traumatiques des cordes vocales. »
Ce n’est pas facile pour mes élèves de CP de se concentrer sans voir mes lèvres. La phonologie est fondamentale encore à cet âge-là. Je sens bien que ce n’est pas comme d’habitude quand les anciens GS arrivent dans ma classe. J’ai beaucoup d’élèves non francophones et je me rends bien compte qu’ils sont gênés pour comprendre quand je parle avec le masque. J’attends de recevoir un masque inclusif (transparent ndlr), je pense que ça devrait améliorer la compréhension. Cependant, je n’arriverais pas à gagner en confort, quel que que soit le type de masque. Honnêtement, à partir de 14h j’ai mal à la tête et je dois redoubler d’énergie pour parler. C’est épuisant ! J’espère que ça ne va pas être comme ça toute l’année…
Anne, professeure de CP dans le 91
Des élèves déboussolés mais ravis de cette rentrée des classes
Le cas des élèves de maternelle
Et les élèves dans tout ça ? La plupart des jeunes sont ravis de retrouver leurs ami·e·s et habitudes à l’école. Pour eux, il s’agit d’un retour à la normale, surtout en élémentaire. En revanche, les enfants de maternelle peuvent éprouver des difficultés à renouer avec l’école. Pour les élèves entrant en PS le port du masque par les adultes peut poser problème. En effet, une grande partie de la communication est non verbale. À travers les expressions du visage, on peut montrer son approbation, son mécontentement mais aussi doubler le sens d’une lecture ou d’une explication.
Par exemple, lorsqu’un enseignant lit un livre en classe, il peut jouer les différents personnages, moduler sa voix et faire des grimaces ou mimiques pour inspirer le sens d’un mot. La palette des expressions améliore la compréhension de l’auditoire. Ce travail est fondamental en maternelle. De même, l’enseignant·e appuie sa prononciation pour aider à distinguer phonétiquement les sons puis les lettres. En lisant sur les lèvres, les élèves restent concentrés et repèrent plus facilement les similitudes et variations phonologiques.
Par ailleurs, les élèves de MS qui n’ont pas repris en juin peuvent éprouver des difficultés d’adaptation au retour à l’école. De nombreux parents avaient déjà relevé quelques régressions dans le domaine de la propreté ou de l’autonomie. Après quasiment 6 mois passés en famille, le retour peut être rude pour certains·es. Mais les habitudes devraient vite revenir et les enseignants, conscients des paramètres inhabituels de cette rentrée, organisent des activités propices à renouer avec l’école et le vivre ensemble. D’une manière générale, les enfants entre 3 et 7 ans peuvent avoir besoin de plus de temps que d’habitude pour retrouver le chemin de la collectivité. Même si le port du masque n’arrange rien, les enseignants trouvent des solution au coup par coup pour améliorer l’accueil de tous les élèves.
Comme l’indiquait Anne pour sa classe de CP, le port d’un masque inclusif est une solution. Mais l’Éducation nationale n’a pas prévu de fournir aux professeurs ce type de dispositif. À la rentrée, les enseignants ont pu recevoir des masques en tissu, de taille unique et souvent trop petits pour les hommes. Désormais, comprendre un cours devient plus difficile que d’habitude.
Des collégiens cachés derrière leur masque
D’ailleurs, c’est un vrai casse-tête en cours d’histoire-géographie, avec les nombreux noms propres qui essaiment les séances. Pour caricaturer, un élève pourra attendre la fin du cours avant de comprendre qu’il s’agissait de Napoléon et non de Naboléon…
Mais à coup sûr, si on demande à un·e élève de collège ou de lycée ce qu’il pense du port du masque en classe, il·elle vous répondra forcément que ça le dérange. Ma grande qui est en 5ème s’organise plutôt bien pour effectuer une rotation de masques lavables, mais elle panique dès lors qu’il diminue. La peur de la contamination est prégnante et dès qu’un·e élève tombe le masque, l’angoisse monte.
Cette hyper-vigilance pourrait avoir des répercussions néfastes sur le psychisme des jeunes. De plus, il conforte le malaise des ados à se montrer et entame la confiance en soi. Le fait de dissimuler la moitié du visage autorise un relâchement des expressions négatives. Ce qui peut aboutir au paradoxe d’une acceptation progressive du port du masque. Non pour des raisons sanitaires, mais pour dissimuler ses émotions et s’enfermer dans sa bulle. Il me semble donc que la vigilance est de mise avec les ados et que cette précaution n’a pas intérêt à s’éterniser, au risque de provoquer des troubles du comportement.
Pour finir sur une note plus positive, la rentrée a permis aux enfants de retrouver leurs amis, de s’en faire de nouveaux, et c’est fondamental pour leur équilibre ! Si l’école n’est pas exempte de défauts, son absence a montré aussi ses qualités : une lieu de socialisation où les jeunes déroulent leur vie, leurs amitiés, leurs amours, leurs passions aussi. Un lieu où ils découvrent, approfondissent, perfectionnent leurs aptitudes et talents, un lieu qui leur montre toutes les voies possibles pour leur avenir. Alors, malgré cette reprise des cours inédite et contraignante à plus d’un point, je souhaite à toutes et à tous une belle rentrée !
Et pour accompagner la rentrée en lecture, mes sélections sont toujours d’actualité ! :
- Des livres pour (bien) rentrer à l’école (sélection destinée aux maternelles)
- Lectures de rentrée pour les 9-13 ans
Et aussi bientôt… le retour des réunions de rentrée ! : La réunion de rentrée côté parents